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 Qui est saint Yves ?

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Jean-Pierre
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MessageSujet: Qui est saint Yves ?   Qui est saint Yves ? EmptyMer 3 Mai 2006 - 21:01

Vaste sujet.

Prêtre, juge ecclésiastique, avocat et défenseur des pauvres et des opprimés, saint patron secondaire de la Bretagne, patron des hommes de loi, considéré comme le "créateur" d'une justice moderne, saint Yves a une renommée mondiale.

Je vous propose quelques "raccourcis" pour le découvrir :

D'abord, on fait court :

MONSIEUR SAINT YVES – AOTROU SANT ERWAN
« Monsieur Saint-Yves » est le saint le plus populaire de Bretagne.
C’est un redresseur de torts et la consolation des pauvres.


Fils d’un gentilhomme campagnard, Yves HELORY est né à MINIHY-TRÉGUIER au manoir de Kervarzhin, vers 1253. Celui que nous appelons Yves portait en fait le prénom breton d’Ewan ou Erwan.

Tout jeune, il a déjà le goût de la vie ascétique. Venu étudier le droit à Paris, il en approfondit les finesses pendant 13 ans puis, revenu en Bretagne, se fait prêtre et exerce, à l’évêché de TRÉGUIER, les fonctions de magistrat dans l’une des cours, d’avocat devant les autres. Il ne quitte plus guère son pays natal en dehors de quelques brefs séjours à TOURS pour plaider devant la juridiction d’appel de son propre tribunal.

Il acquiert une popularité inouïe par son esprit de justice et de conciliation, par la rapidité de ses jugements et la concision de ses plaidoiries. Un jour, un bourgeois assigne devant lui un mendiant qui, chaque jour, vient devant le soupirail de sa cuisine humer le fumet des plats. Yves prend une pièce de monnaie, la fait sonner et renvoie le plaignant en disant : « le son paie l’odeur. »

Pour ne pas nuire aux avocats, saint Yves choisit les causes les plus misérables, d’où son surnom d’avocat des pauvres. C’est, en somme, le précurseur de l’assistance judiciaire.

Outre l’excellent souvenir qu’il a laissé comme juge et avocat des déshérités, saint Yves a vivement frappé ses contemporains par son zèle pastoral inlassable, surtout dans la dernière partie de son existence.

Mort le 19 mai 1303, sa canonisation fut demandée au Saint-Siège par le duc Jean III de Bretagne. La démarche fut réitérée en 1329 avec l’appui du roi de France et de l’Université de Paris. Il est canonisé le 18 mai 1347 à AVIGNON par le pape Clément VI.

Il est le saint patron des juristes et des hommes de loi, patron secondaire de la Bretagne depuis 1924.


Un article un peu plus détaillé : http://www.1000questions.net/fr/Qui-sont/saint_yves.html


Dernière édition par le Mer 3 Mai 2006 - 21:05, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Qui est saint Yves ?   Qui est saint Yves ? EmptyMer 3 Mai 2006 - 21:02

Pour terminer, je vous propose la vision de saint Yves selon Albert le Grand :

La Vie de saint Yves

Saint Yves naquit au manoir de Ker-Martin, en la paroisse de Minihy, diocèse de Tréguier, distant de la ville de Landreger (1) d’un quart de lieu. Son père s’appelait Helory de Kermartin, seigneur dudit lieu, et sa mère Azo du Kenquis, fille de la maison du Kenquis, c’est à dire en français Le Plessis. Il vint au monde le 17 octobre 1253.

Ses parents furent soigneux de l’élever, sa mère, dame fort pieuse surtout, laquelle avait eu révélation de sa future sainteté, et le pourvurent d’un precepteur, lequel, en la maison paternelle, lui donna les premières impressions de la piété et lui enseigna aussi les premiers rudiments des sciences, à quoi l’enfant se portait de grande affection. Il fréquentait les églises, écoutant attentivement le service divin, pendant lequel il disait ses heures de Notre-Dame qu’il récitait tous les jours sans y manquer.

Ayant suffisamment étudié au pays, son père, le voyant désireux de continuer ses études, l’envoya à Paris, en 1267. Il s’adonna à l’étude de la logique et des arts, desquelless sciences il profita si bien qu’il fut passé maître ès arts. Alors, il changea de logis et alla demeurer en la rue du Clos-Bruneau, s’occupant à entendre le texte des Décrétales, la théologie scolastique et le droit canon. Ayant consommé son cours en ces sciences, il alla de Paris à Orléans, l’an de grâce 1277, le vingt-quatrième de son âge, où il étudia en droit civil, sous le fameux jurisconsulte Me Pierre de La Chapelle, lequel depuis, pour ses mérites, fut fait cardinal de l’Eglise romaine. Ayant achevé son cours en droit civil, il vint en Bretagne, et s’arrêta en la ville de Rennes où il fréquenta les écoles d’un docte et pieux religieux de l’ordre de saint François, sous lequel il ouït le quatrième livre des Sentences et l’interprétation de la sainte Ecriture, enflammant sa volonté en l’amour de Dieu, à mesure que son beau jugement le lui faisait connaître, et, par la familière fréquentation qu’il avait avec ce père cordelier, qui était tenu en réputation de grande sainteté, il conçut un saint mépris du monde et se résolut de le quitter tout à fait et de se ranger au service de Dieu et de l’Eglise : ce que longtemps auparavant il avait projeté.

Il prit les ordres de rang jusqu’à la prêtrise inclusivement, menant une vie si sainte et si édifiante que l’archidiacre de Rennes, en étant informé, l’appela près de lui et le fit son official (2), charge qu’il exerça avec réputation de grande intégrité ; mais, voyant que le peuple rennais était fort litigieux, il quitta son officialité qui lui valait cinquante livres de rente (grosse somme en ce temps-là) et s’en vint au pays, au grand contentement de tous ceux qui le connaissaient. L’archidiacre, le congédiant, lui donna un cheval pour le porter au pays ; mais il le vendit dès Rennes et en donna l’argent aux pauvres. Messire Alain de Bruc évêque de Tréguier, jugeant que Dieu le lui envoyait pour le service de son église, ne tarda pas à le faire official de Tréguier et recteur de la paroisse de Tré-Trez, lequel bénéfice il posséda huit ans. Il se comporta en cet office de juge ecclésiastique avec une si grande intégrité qu’il ravissait tout le monde en admiration de sa vertu et remarqua-t-on que jamais il ne prononça une sentence qu’on ne lui vît les larmes couler le long de ses joues, faisant réflexion sur soi-même et considérant qu’un jour il devrait lui-même être jugé.

Il tâchait de pacifier ceux qu’il voyait en discorde ou sur le point d’entrer en procès ; et, lorsqu’il ne les pouvait mettre d’accord, il assistait ceux qui avaient le bon droit, spécialement les pauvres qui n’avaient pas les moyens de poursuivre leur droit, auxquels il fournissait libéralement de l’argent pour leurs frais, même poursuivait les appellations des sentences iniques et jugements pervers donnés contre eux : comme il fit pour une pauvre veuve, nommée Levenez, de laquelle il entreprit la défense contre un gros usurier, plaida sa cause et la gagna ; et fit de même pour un pauvre gentilhomme, nommé messire Richard Le Roux, chicané par l’abbé du Relec, ayant premièrement fait jurer audit Le Roux qu’en sa conscience il croyait avoir le bon droit. Et, encore bien qu’il prît plus gaiement en main la défense des misérables et pauvres gens, dénués d’assistance et faveur, que des grands seigneurs, et que même en faveur de ceux-là, quand ils avaient bon droit, il faisait déchoir ceux-ci de leurs prétentions, néanmoins jamais on ne s’est plaint qu’il ait donné jugement inique, ni entrepris la défense d’aucune cause que ne fût bonne et juste.

Il jugea, un jour, une cause de mariage en faveur d’un jeune homme qui revendiquait une fille pour femme, laquelle n’y voulait consentir : toutefois, saint Yves, sur les preuves qu’il trouva contre elle, la condamna : elle en appela à Tours, où le saint se rendit pour soutenir sa sentence. L’official de Tours, ayant fait asseoir saint Yves près de lui, fit visiter le procès ; et, d’autant que par les enquêtes il ne paraissait rien du mariage, l’official de Tours demanda à saint Yves qui l’avait mû de donner la sentence comme il l’avait donnée : « Par ce, dit-il, que la fille m’a conféssé le mariage. » Alors, l’official de Tours interrogea publiquement la fille, laquelle nia le fait ; et saint Yves, l’ayant, en présence de l’official de Tours, interrogée, elle se confessa derechef. L’official de Tours la reprenait d’inconstance de ce qu’elle avait nié que ce fût son mari : « Aussi le nié-je. » Saint Yves, reprenant la parole, l’interrogea derechef en cette sorte : « Venez çà, ma fille : ne m’avez vous pas confessé que vous l’aviez pris en mariage ? – Oui, dit-elle, il est mon mari et je suis sa femme, et tant qu’il vivra n’aurai autre mari que lui. » L’official de Tours, voyant ce mystère, resta tout étonné ; et, averti de la grande sainteté de saint Yves, lui céda la chaire pour confirmer sa sentence.

Ce qui lui arriva, une autre fois, en la même ville de Tours n’est pas moins remarquable. Y étant allé pour une autre cause de mariage, qui avait été poursuivie par-devant lui, entre un gentilhomme et une jeune demoiselle, laquelle se portait appelante de certaine sentence donnée par saint Yves, official de Tréguier, par-devant l’official de Tours, le saint y alla soutenir sa sentence. Il avait coutume de loger chez une hôtesse et riche veuve, laquelle, dès qu’elle le vit, commença à pleurer et lui dire : « Ah ! monsieur mon cher hôte, je suis ruinée sans remède, par un méchant garnement qui a plaidé contre moi et serai demain condamnée à lui payer douze cent écus d’or, à tort et sans cause. » Saint Yves la consola, l’exhortant d’avoir sa confiance en Dieu, lequel ne l’abandonnerait pas en son affliction, et la pria de lui faire entendre son affaire, lui promettant de l’assister en tout ce qu’il pourrait.

- Monsieur, dit-elle, il y a environ deux mois que deux hommes, accoutrés en marchands, vinrent loger céans et, d’arrivée, me donnèrent à garder une grande bougette (3) de cuir fermée à clef, fort pesante, et me dirent que je ne la baillasse à l’un d’eux que l’autre ne fût présent : ce que je leur promis faire. A cinq ou six jours de là, comme j’étais à la porte de céans, ils passèrent par la rue avec trois ou quatre autres marchands, et me dirent « Adieu, mon hôtesse, accommodez-nous bien à souper », et dévalèrent la rue.

- Peu après, l’un d’eux s’en retourna à mon logis et me dit : « Mon hôtesse, baillez-moi un peu la bougette car nous allons faire un paiement avec ces marchands que vous voyez là. » Moi qui ne pensais qu’à la bonne foi, lui baillai la bougette, laquelle il emporta et jamais depuis ne le vis : l’autre marchand s’en retourna céans, le soir, et me demanda si j’avais vu son compagnon. « Non, dis-je, je ne l’ai point vu depuis que je lui ai baillé la bougette. – Comment, dit-il, la bougette ! la lui avez-vous baillée ? Ah ! me voilà ruiné et rendu pauvre pour jamais ! Ce n’est pas ce qui vous nous aviez promis, quand nous vous la baillâmes ; je m’en plaindrai à la justice. » Et, de fait, monsieur, il m’a fait ajourner devant le lieutenant du bailli de Touraine et a, par serment, affirmé qu’en sa bougette il y avait douze cent pièces d’or et quelques lettres et cédules (4) de conséquence quand elle me fut baillée, et est le procès en tel terme que, demain, je dois avoir sentence. »

Saint Yves, l’ayant paisiblement écoutée, lui dit : « Mon hôtesse, faites-moi venir votre avocat et que je lui parle. » L’avocat venu raconta le tout au saint, ainsi que la femme lui avait dit : ce qu’ayant entendu et conféré là-dessus, saint Yves obtint de l’avocat qu’il plaiderait cette cause pour son hôtesse.

Le lendemain, saint Yves se trouva en l’audience avec son hôtesse ; et, après que la cause eut été par ordonnance du juge appelée, saint Yves, pour la veuve défenderesse, requit de voir en face son adversaire partie, lequel ayant comparu, et l’état auquel était le procès récité (car plus ne restait qu’à prononcer la sentence), saint Yves parla pour son hôtesse, disant : « Monsieur le juge, nous avons à vous montrer un nouveau fait qui est péremptoire à la décision du procès : c’est que la défenderesse a fait telle diligence et si bonne poursuite depuis le dernier appointement pris en la cause que la bougette dont est question a été trouvée, et l’exhibera quand par justice il sera ordonné. » L’avocat du demandeur requit que, tout présentement, elle exhibât la bougette en jugement, autrement qu’il ne servait de rien d’alléguer ce nouveau fait, pour empêcher la prononciation de la sentence : « Seigneur juge, dit saint Yves, le fait positif du demandeur est que lui et son compagnon, en baillant la bougette à la défenderesse, leur hôtesse, la chargèrent de ne la bailler à l’un d’eux que l’autre ne fût présent, et, pour ce, fasse le demandeur venir son compagnon, et bien volontiers la défenderesse exhibera la bougette, tous deux présents. » Sur quoi le juge appointa, et déclara que l’hôtesse ne serait point obligée de rendre la bougette que tous deux ne fussent présents. La sentence ainsi donnée, le demandeur se trouva bien étonné, devint pâle et commença à trembler ; de quoi toute la compagnie resta fort étonnée : ce que voyant le juge, par soupçon, le fit saisir et serrer en prison, où il fut si bien poursuivi contre lui qu’ayant trouvé que c’était un pipeur, qui, pour tromper et voler cette pauvre veuve, lui avait baillé une bougette pleine de vieux clous et de ferrailles, qu’il fut, à trois jours de là, pendu et étranglé au gibet de Tours.

Ainsi saint Yves fut suscité de Dieu pour garantir cette pauvre veuve et faire punir ce voleur, comme jadis Daniel pour délivrer la chaste Suzanne et châtier ces impudiques vieillards. Si est-ce qu’il s’en trouva quelques-uns qui médirent du saint ; mais ceux qui avaient le palais de l’âme plus saint et les yeux moins chassieux en faisaient tout autre jugement. Par ces œuvres d’extrême charité, qu’il exerçait à l’endroit des pauvres misérables, il s’acquit ce beau et glorieux titre de père et avocat des pauvres veuves et orphelins. Son patrimoine se montait bien à soixante livres de rente (qui en ce temps-là faisait une bonne somme), lequel il distribuait entièrement aux pauvres. Quand il était official de l’archidiacre de Rennes, il entretenait, à ses propres frais, deux écoliers aux études, l’un nommé Derien et l’autre Olivier ; et, à Pâques, la Pentecôte, la Toussaint, Noël et autres fêtes solennelles, il les faisait dîner à sa table, avec grand nombre d’autres pauvres. Dans sa maison prébendale à Landreger, et en ses presbytères de Tré-Trez et Lohanech, quand il y était, il logeait les pauvres ; et, dans son manoir de Ker-Martin, il bâtit un hôpital : en tous lesquels lieux il recueillait les pauvres, non seulement ceux qui y venaient ou qu’il rencontrait sur son chemin mais même il les allait chercher et les emmenait chez lui, leur donnait l’eau à laver, les servait à table et graissait leurs souliers. Il donnait à pleins boisseaux son blé aux pauvres, tant du revenu de son patrimoine que de son bénéfice ; il leur donnait même jusqu’au pain disposé et apprêté pour sa propre réfection ; et, se trouvant, une fois, prié d’un pauvre sans le pouvoir soulager, il mit son chaperon ou cuculle en gage pour du pain, qu’il prit en une maison prochaine, lequel il bailla incontinent à ce pauvre.

Il nourrissait beaucoup de pauvres enfants orphelins ; instruisait les uns en sa maison, mettait les autres en pension chez des maîtres ouvriers pour apprendre métier, lesquels ils salarisait de son propre argent. Il ne pouvait endurer de voir les pauvres à l’hôpital de Landreger. Voyant plusieurs pauvres forts mal vêtus, il leur bailla la plupart de ses habits, de sorte qu’il lui fallut s’envelopper dans un loudier, attendant qu’on lui en eut apporté d’autres. Une autre fois, il fit la même chose ; et comme un jour son couturier lui fut venu vêtir une robe et capuchon gris, il apperçut en la cour un pauvre à demi nu ; il ne le put endurer ; mais, retenant ses vieux habits, lui donna cet accoutrement neuf. Allant une fois à l’église, disant son bréviaire, un pauvre lui demanda l’aumône ; n’ayant que lui donner, il tira son capuchon et le lui donna. Il visitait souvent les malades, nommément les pauvres et nécessiteux, les consolait et assistait : il leur administrait les sacrements, les y disposant avec grand soin et charité. Il ensevelissait de ses propres mains les corps des pauvres qui décédaient tant en l’hôpital que chez lui et dans les maisons particulières, les enveloppant en des suaires blancs siens, les portait à la sépulture, aidé de quelques autres pieuses personnes.
.

1) Landreger : nom breton de Tréguier
2) Anciennement, juge ecclésiastique délégué par l’évêque pour exercer en son nom la juridiction contentieuse. L’official ne punissait que par les peines canoniques, et devait recourir au juge royal pour les peines afflictives.
3) Petit sac de cuir que l’on porte en voyage
4) Autrefois, petit morceau de papier où l’on écrivait quelques chose pour servir de mémoire, également promesse de payer sous seing privé, s’écrivait schedule en vieux français.


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MessageSujet: Re: Qui est saint Yves ?   Qui est saint Yves ? EmptyMer 3 Mai 2006 - 21:04

Suite :

Dieu fit paraître, par plusieurs miracles, combien lui était agréable la charité dont saint Yves assistait ses membres. Nous avons dit ci-dessus que, trouvant un jour un pauvre en son chemin, n’ayant que lui donner, il lui donna son chaperon ; mais Dieu le lui remit sur la tête, avant qu’il fût arrivé en l’église où il allait. Une autre fois, ayant trouvé à sa porte Jésus-Christ, en forme d’un pauvre homme tout pourri de lèpre, il le fit monter en sa chambre, lui bailla à laver, le fit asseoir à table et lui servit bien à dîner, puis s’assit auprès de lui pour dîner aussi ; mais, sur le milieu du dîner, ce pauvre parut si resplendissant, que toute la chambre en fut éclairée, et, regardant fixement saint Yves, il lui dit : « Dieu soit avec vous ! » et disparut, laissant le saint comblé de joie et de consolation spirituelle. Pendant une grande cherté qui advint par tout le pays, pour huit sols de pain, il substenta plus de deux cent pauvres, le pain se multipliant miraculeusement entre ses mains ; et, une autre fois, pour deux deniers de pain, il rassasia vingt-quatre pauvres. Quand les religieux mandiants venaient vers lui, il les logeait et traitait avec grande charité et respect, et avait fait dresser une chambre tout exprès pour les recevoir, garnie de tout ce qui y était besoin, où lui-même les traitait ; soufflait et attisait le feu pour les chauffer ; leur versait l’eau sur les mains et les servait à table en grande humilité. Un pauvre étant arrivé tard à Ker-Martin et n’osant frapper à la porte se coucha auprès et y passa la nuit : saint Yves, sortant de bon matin, le trouvant là, le fit entrer, le revêtit de ses propres habits, lui donna bien à dîner et à souper, le fit coucher en un bon lit, alla se coucher au même lieu où il l’avait trouvé et y passa la nuit (5).
S’il était soigneux de nourrir corporellement les pauvres et les substanter du pain matériel, il l’était encore plus à nourrir leurs âmes du pain de vie, de la parole de Dieu. Il ne se contentait pas de prêcher ses paroissiens, il prêchait les autres circonvoisins, faisant, parfois, trois ou quatre prédications par jour. Il assistait l’évêque de Tréguier en ses visites et le précédait d’ordinaire pour disposer le peuple à cette action et à recevoir le saint sacrement de confirmation, et allait, devant l’évêque, de paroisse en paroisse, à pied, avec un rare exemple et édification de ceux qui le voyaient. Il s’adonnait avec telle ferveur et attention d’esprit à ce saint et apostolique office que souvent il en oubliait le boire et le manger ; et, étant de retour au logis, le soir, après avoir prêché tout le jour, ne se pouvait presque tenir debout tant il était faible. On a remarqué qu’à un vendredi saint il prêcha la Passion en sept diverses églises. Le monde courait après lui de paroisse en autre pour entendre ses admirables sermons, comme d’un apôtre. Il fut une fois à Kemper (6) et fut prié de prêcher en la cathédrale : ce qu’il fit avec une grande édification et satisfaction de l’évêque de Cornouaille et de toute la ville.

Il prêchait d’ordinaire en breton, souvent en latin, nommément aux actes capitulaires, et aucune fois en français, s’accomodant à la capacité de ses auditeurs. Quand il allait par les champs, il s’arrêtait à catéchiser les villageois et leur apprendre leur créance, à dire leur chapelet, examiner leur conscience et autres pieux et dévots exercices que tout bon chrétien doit savoir. Ses prédications n’étaient pas infructueuses, ni ses travaux vains, car il faisait de grandes conversions. L’an 1294, il fut pourvu de la recteurerie de Lohanech, paroisse en laquelle il fit un grand fruit et, par ses prédications, convertit nombre de vicieux, spécialement des usuriers publics, entre autres un certain Thomas de Kerrimel, lequel, ayant été converti, se fit moine en l’abbaye de Begard, lors étroitement réformée. Il convertit aussi deux clercs concubinaires et un grand paillard et violateur de filles, nommé Derien. Prêchant une fois à Loc-Ronan, en Cornouaille, le sieur de Coat-Pont, écuyer, sortit de l’église comme il montait en chaire, sans se soucier d’entendre le sermon ; saint Yves, le voyant, dit : « S’il y avait ici trois ou quatre filles avec un trompette du diable (7), il y serait demeuré ; mais non pas pour ouïr la parole de Dieu : lequel je prie de le punir en cette vie et ne lui réserver la peine due à cette offence en l’autre. » Ce qui fut incontinent fait, car ledit gentilhomme devint paralytique, et ne fut guéri de ce mal qu’après la mort de saint Yves : il obtint la santé à son sépulcre.

Son oraison était sans relâche : car c’était elle qui entretenait et nourrissait non seulement son âme, mais aussi miraculeusement son corps. On l’a vu une fois cinq jours, une autre fois sept jours tout entiers, absorbé en une profonde contemplation, sans boire, manger ni dormir. Entre les oraisons jaculatoires (Cool, il avait toujours en bouche : « Jesus Christus Filius Dei ! Seigneur créez en moi un cœur net et pur ! » Il disait, tous les jours, fort dévotieusement son service et célébrait la sainte messe, et, avant de se vêtir des ornements sacerdotaux, il se mettait à genoux devant ou à côté de l’autel auquel il devait dire la messe, le visage couvert de son chaperon, les mains jointes, le cœur élevé en Dieu, se recolligeait (9), et, après la messe, en faisait de même. Et une fois, en la grande église de Tréguier, pendant qu’il faisait ses actions de grâces après la messe, une belle colombe, environnée d’une grande clarté, s’étant reposée sur son chef, s’envola sur le grand autel et y demeura quelques temps, puis disparut. Disant le confiteor et le canon de la messe, il sentait de grandes consolations spirituelles, et, à la prise de l’hostie, il versait de ses yeux un ruisseau de larmes. Une fois, lorsqu’il tenait le corps de Notre-Seigneur, il apparut un globe de feu, lequel, ayant fait le tour du calice, disparut incontinent. Ayant entendu qu’un jeune homme voulait entrer en procès contre sa mère, il les manda un matin et tâcha de les mettre d’accord ; mais voyant qu’ils n’en voulaient rien faire, il les pria de l’attendre un peu : ce qu’ils firent, et, cependant, alla dire la messe en laquelle, ayant prié pour eux, il fut exaucé : car, quand il s’en retourna vers eux, il les trouva avoir changé de volonté et les accorda sur-le-champ.

Il était doué d’une grande humilité : il ne voulait aucunement être loué ni estimé ; moins encore lui arriva-t-il jamais de dire aucune parole qui pût tourner à sa propre gloire ; et, encore bien qu’il fût si signalé en science et sainteté, il se maintenait toujours en une si profonde humilité, comme si c’eût été le plus ignorant de la terre. De cette humilité procédait le peu de cas qu’il faisait de sa propre personne : il allait à pied, sans vouloir user de monture, même accompagnant l’évêque de Tréguier en ses visites : pour vêtement, il portait sur sa chair nue un âpre cilice et par-dessus une chemise de grosse toile d’étoupe, laquelle, le plus souvent, il mouillait avant que de la vêtir, pour plus s’incommoder. Il prit l’habitude du tiers ordre de saint François au couvent de Guengamp, s’accoutra d’une robe de bure grise et d’un capuchon de même étoffe, si vile et si commune, que l’aulne ne coutaît que deux sols six deniers ; et, pour toute chaussure, portait des sandales comme les frères mineurs. Quand quelques religieux se présentaient pour prêcher aux lieux où il s’était disposé de prêcher, il leur cédait la chaire, disant n’être digne de parler en leur présence ; sur quoi se sont rencontrées plusieures saintes contestations entre lui et plusieurs bons religieux, avec grande édification des assistants.

Dès qu’il était étudiant à Paris, il commença à s’abstenir de chair, donnant sa portion aux pauvres. Etant à Orléans, il commença aussi à s’abstenir de vin et jêuner tous les vendredis, et, quelques temps après, il commença à ne manger que du pain de seigle, d’orge ou d’avoine, et souvent demeurait un jour tout entier, quelquefois cinq, quelquefois sept, sans rien manger du tout, ravi en contemplation, et néanmoins était aussi frais et dispos que si tous les jours il eut fait grande chère. Dès l’an 1289, quinze ans avant sa mort, il changea entièrement de vie et redoubla ses austérités : car, dans ce temps, il jêuna trois jours la semaine au pain et à l’eau, les mercredis, vendredis et samedis, les quatre-temps (10) et vigiles de Notre-Dame et des douze apôtres, les avents et onze carêmes, tous les jêunes de l’Eglise et les dix jours qui sont depuis l’Ascension de Notre-Seigneur jusqu’à la Pentecôte ; les autres jours, il ne mangeait qu’une fois le jour du pain de seigle, d’orge ou d’avoine, jamais de froment, et du potage de gros choux, raves ou fèves, avec du sel ; rarement il y mettait un peu de farine ou de beurre ; les jours de Noël, de Pâques, de Pentecôte et de Toussaint, il mangeait deux deux fois le jour ; et, le jour de Pâques à son dîner, il mangeait des œufs ; de chair ni vin jamais ; du poisson très rarement. Il ne dormait qu’un peu devant l’aurore, pour se disposer à dire la messe, passant le surplus de la nuit à prier, lire les saintes Ecritures, assister les malades moribonds, ou telle autre sainte action. Son lit ordinaire était un peu de paille étendue sur une claie tissue de grosses verges, ayant sous sa tête une bible ou quelque grosse pierre ; souvent il couchait sur quelque banc ou à plate terre, dans la sacristie de l’eglise cathédrale de Landreger, pour empêcher les violences des officiers du duc, qui, à tous les coups, voulaient de force enlever le trésor et argenterie de l’église Saint-Tugduval. Dormant une fois, au bourg de Land-Elleaw, en Cornouaille, avec un homme, nommé Maurice du Mont, en même chambre, celui-ci fut éveillé d’une voix qui disait que le saint gisait sur la pierre. Ne trouvant saint Yves en la chambre, il alla au cimetière et le trouva couché dans la pierre en laquelle saint Elleaw avait fait sa pénitence.

La querelle des Régales n’étant pas encore assoupie, les agents et officiers du duc donnaient beaucoup de peine à l’évêque de Tréguier et à son chapitre, saisissant leurs revenus à faute d’obéir aux édits du prince et aux lois du parlement, et, sous ce pretexte, eussent bien voulu mettre la main sur le trésor et l’argenterie de la cathédrale, et, de fait, s’efforcèrent, plusieurs fois, de ce faire ; mais ils se voyaient saint Yves en tête qui leur rompit toujours leur dessein, non sans danger de sa vie, ne demandant pas mieux que de mourir pour une si juste cause : il y en eu un si effronté que de vouloir entrer de force dans l’église ; mais saint Yves, l’en ayant empêché, fut par lui frappé et blessé à la main, ce qu’il porta avec patience : toutefois, pour arrêter ces insolences, il fit plusieurs voyages vers le duc, duquel il obtint que ces garnements ne s’ingérassent plus d’attenter à telles choses et leur fit commandement de ne plus inquiéter l’église de Tréguier.

Que dirai-je de sa patience ? Certes, il la fit paraître en plusieurs occasions. Une fois, le trésorier de Tréguier et quelques autres messieurs, desquels la vue débile et chassieuse était offusquée par la vertu du saint, l’appelèrent publiquement gueux, coquin, pique-bœufs, quoiqu’il fût noble et gentilhomme de bon lieu ; mais le saint, par sa patience, vainquit leur malice : car lui ayant, par quatre diverses fois, chanté telles injures, jamais il ne leur répondit autre chose, sinon : « Dieu vous le pardonne. » Lui ayant été dérobé une notable quantité de blé, jamais il ne s’en émut, ni ne dit aucune parole de mécontentement, mais seulement : « Dieu leur fît la grâce de s’amender ; qu’ils en avaient affaire et lui aussi. » Dormant, une fois, dans la sacristie de l’église cathédrale de Landreger pour la garde des vases sacrés, avec un autre, nommé Olivier, celui-ci, sur la minuit, entendit un bruit et tintamarre effroyable comme d’un tonnerre, si violent, qu’il pensait que tout l’édifice tombait par terre ; s’étant réveillé en sursaut, il se lève et suit saint Yves (qui sortait de la sacristie dans l’église) jusque dans le chœur, où le saint, arrivé devant le maître-autel, s’arrête quelque temps, puis passe outre jusqu’au lieu où l’on garde les reliques de saint Tugduval : là, le vint trouver l’heureux prélat saint Tugduval, et parlèrent longtemps ensemble ; saint Tugduval parlant d’une voix grave et majestueuse, et saint Yves humblement et d’une voix basse.


5) Tous ces faits admirables sont appris par les procès-verbaux de sa canonisation.
6) Quimper, capitale de la Cornouaille
7) Il entendait par là les sonneurs
Cool Prière courte que l’on adresse au ciel avec un vif mouvement de cœur.
9) Se recueillir en soi-même.
10) Les trois jours où l’Eglise ordonne de jêuner en chacune des quatre saisons de l’année ; c’est toujours le mercredi, le vendredi et le samedi.


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Jean-Pierre
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MessageSujet: Re: Qui est saint Yves ?   Qui est saint Yves ? EmptyMer 3 Mai 2006 - 21:04

Suite et fin :

Il conserva inviolablement le fleuron de sa chasteté (comme depuis a solennellement témoigné son confesseur messire Auffray) et, de plus, protesta que, pendant le cours de sa vie, jamais il n’avait commis aucun péché mortel ; mais, quant à la chasteté, pas seulement un véniel. Il montra aussi, en plusieurs et diverses occurrences, qu’il avait l’esprit de prophétie. Une femme s’étant venue plaindre à lui de ce que son fils l’avait abandonnée et s’était rendu moine : « M’amie, dit-il, ne vous plaignez point ; il vous reviendra, parce qu’il aime trop l’argent », ce qui arriva ainsi ; car l’autre, ne pouvant mettre frein à sa convoitise, quitta le froc et s’en alla. Son innocence était si grande que les créatures irraisonnables lui obéissaient. Un jour, comme il dînait en sa maison, entre un grand nombre de pauvres qu’il traitait ce jour là, un oiseau d’une extrême beauté entra dans la salle, laquelle il rendit toute éclatante de la lueur qui sortait de lui, et, voltigeant doucement autour du col et de la tête de saint Yves, se vint poser sur la paume de sa main, où, ayant demeuré quelque temps, il s’envola avec la bénédiction. Allant, un jour, par le pays, il trouva le pont qu’il lui fallait passer tout noyé et couvert d’eau, ce que voyant il fit le signe de la sainte croix dessus, et l’eau se divisa de part et d’autre, donnant passage libre au saint et à son serviteur, puis se refermant comme devant.

Sur le chemin de Landreger à Lannion, y a un pont, nommé Ar-Pont-Lostek, lequel étant rompu, on voulu le refaire de bois ; le bois qui y était destiné fut coupé trop court d’un demi pied ; mais saint Yves ; par sa prière, l’allongea et réduisit à longueur compétente. Etant recteur de Lohanech, il éteignit un grand incendie et embrasement de feu, qui s’était pris en une maison, en levant la main et en faisant le signe de la croix vers le feu, lequel, chose étrange ! tout incontinent s’éteignit, sans plus y faire aucun dommage. En la paroisse de Trévou, il y avait un pauvre homme tellement agité du malin esprit qu’on ne le pouvait tenir : il fut amené à saint Yves, lequel, l’ayant fait coucher une nuit avec lui, le délivra entièrement.

Voyant que l’église-cathédrale de Tréguier était fort caduque, petite, bâtie à l’antique, mal perçée, obscure et doublée de simples lambris, il se résolut, avec l’aide de Dieu, de la réparer : plusieurs se moquaient de cette entreprise, mais lui, qui avait sa confiance en Dieu seul, les laissait dire. Il alla visiter le duc, les seigneurs de sa cour, les barons et seigneurs du pays, les exhortant à contribuer à une œuvre si pieuse, fit faire des quêtes et cueillettes parmi le peuple, obtint quelques deniers communs de la ville, persuada l’évêque, son chapitre, les recteurs et clergé du diocèse d’y contribuer du leur, avec tant d’efficace, qu’il n’y eut ni grand ni petit qui n’y contribuât très volontiers. On convoqua ouvriers de toutes parts, lesquels, les matériaux déjà rendus sur la place, réparèrent en peu de temps ce temple, et Dieu fit connaître, par un grand miracle, combien ce service lui avait été agréable : car saint Yves ayant eu avis que, dans la forêt de Restrenen, y avait de beaux arbres, alla trouver le seigneur Pierre de Rostrenen (11) pour lui en demander quelques-uns, et obtint de lui permission d’en prendre autant qu’il lui en faudrait, à son choix.

Saint Yves le remercia et s’en alla à la forêt, choisit grand nombre de beaux arbres, les fit abattre et marquer. Mais comme la cour des grands est, d’ordinaire, remplie de flatteurs, aucun de ce métier qui avaient ouï saint Yves adresser cette demande au seigneur et l’eussent bien voulu faire dès lors éconduire, mais ne l’avaient osé en présence du saint, le lendemain, dirent au seigneur qu’il était bien simple de se laisser ainsi affronter par cet hypocrite ; que, sous prétexte de bâtir l’église de Landreger, il amassait un grand argent, et qu’abusant du pouvoir qu’il avait eu, il avait abattu deux fois plus d’arbres qu’il n’en fallait pour cet édifice, et des plus beaux qu’ils fussent dans la forêt. Ce seigneur, croyant trop légèrement aux faux rapports de ces garnements, se mit en colère contre le saint et, quand il s’en fut retourné le remercier, le tança rudement et lui dit même quelques injures et mots de travers.

Saint Yves endura patiemment cette attaque et répondit seulement que c’était pour le service d’un seigneur, qui était riche et puissant pour le récompenser, et qui ne manquait jamais à récompenser ceux qui se montraient libéraux à lui bâtir et orner des temples ; qu’au reste la chose n’était pas comme on la lui avait fait entendre ; que, le lendemain matin, il lui ferait voir qu’il n’avait pas pris d’un seul pied plus qu’il n’en fallait pour l’édifice, au dire des ouvriers qu’il avait amenés. Le lendemain donc, la messe ouïe dans la chapelle du château, saint Yves et le seigneur de Rostrenen, son train et les ouviers allèrent à la forêt voir les arbres qu’on avait abattus et marqués : ils trouvèrent, chose miraculeuse ! que sur le tronc de chaque arbre qui avait été coupé le jour précédent, cette nuit, étaient crû trois arbres, beaucoup plus beaux que ceux que l’on avait coupés, de sorte que, si on en avait coupé vingt, il s’en trouvait soixante. Le seigneur de Rostrenen, ayant vu ce miracle, se jeta aux pieds de saint Yves, et, lui ayant demandé pardon, lui permit d’en prendre tout autant qu’il aurait affaire. Un autre miracle non moindre arriva à l’endroit du maître charpentier, qui avait entrepris la structure de la cathédrale de Tréguier : il avait coupé toutes les poutres et autres pièces trop courtes de deux pieds ; cela le mit au désespoir et se voulait pendre. En cette détresse, il alla trouver saint Yves, et, en sa présence et d’une multitude de peuple, mesura son bois une et deux fois et le trouva tel qu’il avait dit : saint Yves le consola, et, s’étant un peu abaissé, pria Dieu pour lui, puis lui dit : « Mon ami, prenez votre ligne, mesurez encore une fois, vous vous êtes peut-être trompé. » Il obéit au saint et trouva toutes ses pièces plus longues de deux grands pieds qu’il ne fallait.

Enfin, saint Yves, tout cassé et usé, plus de travaux et austérités que de vieillesse, tomba malade après Pâques ; et, connaissant que Dieu voulait mettre fin à ses travaux et donner commencement à son repos, il se disposa à ce voyage, quoique toute sa vie n’eut été qu’une continuelle préparation à la mort. Le mercredi, quinzième de mai, vigile de l’Ascension, il se sentit si faible et si débile, qu’à peine se pouvait-il tenir sur pieds ; il célébra la messe en la chapelle de Ker-Martin, l’abbé de Beauport le soutenant d’un côté, et messire Alain, archidiacre de Tréguier de l’autre. La messe étant finie, il entendit de confession ceux qui se présentèrent, puis se coucha sur sa claie ordinaire. Les nouvelles de sa maladie divulguées, plusieurs personnes de qualité le visitèrent, tant ecclésiastiques que laïcs ; entre autres, s’y rendirent l’official, qui lui avait succédé en cet office, et un recteur, nommé Jean, lesquels, le voyant si durement couché sur sa claie, en ses accoutrements ordinaires, le reprirent de cette trop grande austérité, disant qu’à tout le moins il devait avoir davantage de paille sous lui ; mais il leur répondit doucement qu’il était bien ainsi, et qu’il n’en méritait pas davantage.

Le lendemain, jeudi seizième de mai, jour de l’Ascension, il se confessa et se fit revêtir de ses habits sacerdotaux ; et, voyant sa chapelle pleine de peuple, qui de toutes parts le venait visiter, il leur fit une belle exhortation, laquelle leur tirait les larmes des yeux ; et, voyant qu’un grand nombre de ses paroissiens de Lohanech le venaient voir, il envoya Jacques, son serviteur, pour les remercier de sa part et leur dire qu’il était en bon état, grâce à Dieu. Le vendredi, dix-septième de mai, un prêtre, nommé messire Derien, lui ayant dit, entre autres propos, qu’il devait faire venir le médeçin, le saint, levant les yeux et les bras vers un crucifix qu’il avait devant lui, lui dit qu’il n’avait affaire d’autre médeçin que de celui-là. Le samedi, dix-huitième jour de mai, il fut mis en extrême onction, présents le grand vicaire et official de Tréguier, messires Geoffroy et Alain, prêtres ; le prêtre qui l’oignait s’appelait messire Hamon, auquel il répondait et aidait, ayant la vue portée sur le crucifix. Après, il s’affaiblit fort et perdit la parole ; et, ayant passé le reste de ce jour et toute la nuit suivante en veilles, prières et contemplations, le lendemain, dimanche après l’Ascension, dix-neuvième de mai, au crépuscule, cette sainte âme s’envola au Ciel, où elle jouit de celui à qui elle avait si fidèlement servi en ce monde. Il décéda le cinquantième an de son âge, cinq mois moins, et de Notre-Seigneur l’an 1303, le dix-huitième du règne de Jean, deuxième du nom, duc de Bretagne.

Le jour même, le corps fut porté, de la chapelle de Ker-Martin où il était, dans la grande église de Tréguier, où se rendit une innombrable multitude de peuple de toutes parts ; les uns baisaient ses pieds, d’autres, ne pouvant approcher de si près, y faisaient toucher leurs chapelets, heures ou médailles, lesquels ils retenaient, puis après, en grande révérence ; mais la pitié était de voir les pauvres veuves, orphelins, mendiants et autres misérables qui, allant par troupes se jeter devant le cercueil du défunt, déploraient la perte qu’ils faisaient de leur père nourricier, avocat et consolateur. Il fut dépouillé de ses pauvres haillons et revêtu d’autres habits ; les siens furent serrés révéremment, hormis une partie qui fut ravie par le peuple. L’enterrement fut solennellement célébré, et le saint corps mis en terre, où il ne fut guère que Dieu ne l’honorât de grands miracles.

In Albert le Grand, « La vie des saints de la Bretagne armorique. »


11) Il descendait du premier connétable de France, qui vivait sous Louis le Débonnaire et qui mourut l’an 834.
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