Voici l'article sur Béton, paru dans le Libération d'hier :
"Lorsque l'on pénètre dans les locaux de Radio Béton, dans les quartiers nord de Tours, tout rappelle la chambre d'un jeune adulte rebelle. D'autocollants «anti-Sarko» aux affichettes «pro-cannabistrot», chacun peut y laisser son empreinte. L'identité de cette radio associative semble s'être construite à l'image de ce patchwork indiscipliné et militant. «Béton est née d'un ras-le-bol, pour les animateurs que nous étions, de se faire lourder des autres antennes, se souvient Pascal Robert, cofondateur et président «canal historique» de la radio. A l'époque, le rock alternatif n'était pas le bienvenu. D'où cette idée de donner vie à un lieu dédié à ces musiques.»
C'était il y a tout juste vingt ans. Aujourd'hui, les motivations affichées sont les mêmes. «Chaque époque a sa musique alternative», insiste Cédric Grouhan. A 34 ans, il est le nouveau président de Béton. «Nous défendons actuellement des musiques comme la techno ou le metal.» Pour ce faire, Béton mise sur le passage en intégralité des albums, au détriment des traditionnels singles, quitte à «envoyer chier les maisons de disques».
Expression plurielle. Au-delà de la musique, le studio se veut un lieu d'expression plurielle. «Lorsque nous avons constaté, il y a dix ans, qu'il n'y avait ni raï, ni émissions antillaises sur Tours, nous leur avons naturellement ouvert notre antenne.» Aujourd'hui encore, en se branchant sur Béton le dimanche matin, certains auditeurs sont persuadés d'écouter «la voix des Antilles».
La radio compte six professionnels, salariés à plein temps, et une grosse centaine de bénévoles. Pour assurer le quotidien, Pascal Robert et Cédric Grouhan ne comptent pas vraiment sur les subventions directes : «Il est difficile, pour une collectivité locale, de privilégier telle antenne. Ce que nous comprenons.» Encore moins sur les recettes publicitaires. «Nous choisissons des annonceurs en lien avec notre auditorat, insistent-ils. Forcément, ça réduit les marges.» Principe auquel s'ajoutent quelques expériences cinglantes : «Un jour, un animateur s'est mis à plagier un message publicitaire qui passait à l'antenne. "Flunchy [la mascotte de Flunch] à la chasse" est devenu "Flunchy a la chiasse". Depuis, les potentiels annonceurs sont méfiants», se souviennent-ils.
Résultat : sur ce terrain, Béton n'engrange qu'un millier d'euros par an. La direction s'est donc cherché, dès les débuts, d'autres sources de revenus. «Nous avons créé Béton Prod, une structure parallèle qui permet d'organiser des concerts et des festivals. Ceux-ci financent grandement l'activité radiophonique», explique Pascal Robert. «Si, vis-à-vis des musiques et des artistes que nous soutenons, nous voulons être complets, justifie Cédric Grouhan, il nous faut assurer la chaîne complète, de la diffusion de l'oeuvre à la vente de disques, en passant par l'organisation de concerts.» Un petit commerce qui n'a pas vocation à la rentabilité. «Si faire de la culture rapportait, ça se saurait, martèle Pascal Robert. Nous restons à notre niveau avec nos moyens. Si d'autres radios préfèrent diffuser de la mouise, ça les regarde. Il faut simplement qu'il y ait des moyens pour que les radios alternatives puissent se maintenir.»
«Syndrome NRJ». Du côté de l'hôtel de ville, on regarde l'expérience avec intérêt. «Béton est un réel acteur local des musiques actuelles qui n'a pas été dévoré par le syndrome NRJ, se félicite Jean-Pierre Tolochard, adjoint (PS) à la culture. Sur ce terrain, nous la considérons comme un partenaire.» Un partenariat qui demande encore quelques ajustements, comme le souligne ironiquement Pascal Robert : «Parfois, il est plus facile de bosser avec une droite qui ne comprend rien qu'avec une gauche qui croit tout savoir.»"
par Mourad GUICHARD
samedi 25 mars 2006
Tours (Indre-et-Loire) envoyé spécial
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